23/03/2020
Chronique depuis mon confinement
A mon 5ème lavage de mains ce matin, mon esprit vagabondait du côté de l’usage immodéré du smartphone. En temps ordinaire, à part quelques mal-élevés capables de faire profiter tout un bus de leurs démêlés avec Kévin ou Jordan, son usage est forcément limité, ne serait-ce qu’au théâtre ou à la messe. Mais aujourd’hui, c’est le grand débondage, l’instant « No Limits ». Au point qu’on peut craindre qu’Orange and Co instaure un rationnement des ondes.
Faute d’être adepte de la méditation (ce serait pourtant une occasion de s’y mettre) que vont devenir alors les prisonniers sanitaires privés du recours compulsif à leur prothèse habituelle ? On peut leur suggérer la télé avec les risques induits. De se retrouver par exemple devant le groupe d’experts attitrés, après l’incontournable introduction « ce n’est pas le moment de polémiquer », polémiquant doctement après, maintenant qu’on sait, sur ce qu’on aurait dû faire avant.
Par bonheur, on peut voir aussi papa, maman et les 2 enfants assis sagement sur le canapé, diffusant l’image apaisée du confinement heureux. On laisse entendre que papa-maître d’école n’est pas fâché de réviser la carte du monde, de replacer Rangoun en Birmanie. Triomphant de rappeler que la Loire n’est pas le plus grand fleuve du monde, mais piquant un fard lorsque le bambin le reprend sur les festivaux, « non papa, les festivals » !
Avec ou sans enfants, c’est le moment inespéré de la lecture. Par exemple, cet énorme bouquin de 800 pages reçu en cadeau. Les tranches de 15 ou 20 minutes consacrées à la lecture faisaient qu’à la page 650 on ne savait plus ce que disait la page 10. Avalons donc à la suite les 800 pages de notre pavé.
J’ai une pensée pour les couples partis pour un long tête à tête. Madame va devoir contempler un monsieur en tenue de week-end chaque jour, ce qui n’augure pas d’une aide en cuisinie. C’est d’ailleurs la 1ère fois, comme pour les nouveaux retraités, qu’on a le temps de voir son conjoint tel qu’il est réellement. Et de se dire : comment ai-je bien pu vivre avec ce type ?
Heureusement, chez d’autres, c’est Bizance ! Gaston, qui rentrait harassé du travail avait l’habitude de fêter le vendredi soir par une étreinte grand format. Depuis que la semaine n’a plus que des vendredi soir, c’est l’étreinte à corps perdu ! En plus, avec un rapport sexuel crédité de 650 calories, cela remplace le jogging dont on est privé.
Je suis sûr d’avoir manqué bien des occupations en confinement. Mais les prisonniers ont montré depuis longtemps leur capacité d’invention. Nos amis italiens ont inauguré le chant du soir sur le balcon. Ils ont contaminé, en bien, les français qui applaudissent le boulot des soignants. Si du moins, on pouvait s’en souvenir après la crise !
10:34 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (0)
19/03/2020
"Car que faire en un gîte à moins que l'on ne songe"
Papy en avait un peu marre d’être pris pour une boule de flipper qu’on propulse une fois vers l’hôpital, une autre vers le 15, et encore on ne sait où. Maintenant c’est clair : tout le monde à la maison où on a le temps de songer à loisir.
Pour le moment, la pensée de papy n’est pas vraiment triste de ce qui arrive. Pas mécontent du tout de se mettre en retrait de ce monde où il n’avait jamais vu autant de stupidité. Ce sont ces jeunes qui s’embrassent en se disant inattaquables par le virus. Cet autre entame un pugilat vis-à-vis de celui qui a embarqué le dernier paquet de papier-toilettes. Le pire des stupides, sous nos yeux affolés, franchit 3 feux rouges successifs à toute allure.
Un petit regret quand même : papy avait astiqué le vélo pour les sorties printanières. Il l’aurait mis au cul du C-car apprêté lui aussi pour un proche départ. Heureusement qu’il n’a pas fui le confinement dans une campagne isolée. Que fait-on, passés les 1ers jours de béatitude quand les vivres viennent à manquer ? Reprendre la recette de la pension de jeunesse avec les dernières biscottes : parsemer du sel (non limité) sur la tranche de pain (non limitée).
Le confinement est un moment privilégié pour se livrer aux nécessaires travaux de la maison ou du jardin. Sans risquer la saturation puisqu’avant 2 semaines on manquera de matériaux impossibles à se procurer. Pour l’éviter, papy peut avoir recours aux pauses-téléphones, où on peut sortir Skype pour profiter de la frimousse des arrière-petits-enfants (ou de leurs parents).
A l’ombre d’un parasol, au jardin, papy pense que la guerre déclarée par le Président est pour l’instant supportable. Mais il songe à des confinés beaucoup plus sérieux : les réfugiés dans leurs camps, sous des tentes surchauffées le jour, trop froides la nuit, en proie à une vraie guerre. En y réfléchissant, une bonne raison d’être un artisan plus décidé à œuvrer pour la paix.
15:23 Publié dans santé | Lien permanent | Commentaires (1)
13/03/2020
De profondis
Revenant de l’enterrement de ma voisine, qui ne m’avait pas trop tourneboulé, j’étais plongé dans un abîme de réflexions. C’est quoi cette vie qui finit comme ça ! Devant la multitude de bouquins qui ont traité le sujet, je m’abstiendrai. Par compte, pourquoi ne pas en profiter pour un petit feed-back sur la mienne, de vie ?
Cela commence évidemment par la naissance quelque part au siècle dernier, jeté dans le monde sans avoir rien demandé. Venant après 6 ans de mariage de mes parents, j’ai tout lieu de penser qu’ils s’étaient toutefois heureusement préparés à cette venue.
L’adolescence se passe dans cette pension religieuse dont j’ai déjà dénoncé ici les faiblesses. En revanche, en plus de savoir lire et écrire correctement, j’ai pu y oublier les tourments de cet âge par les fidèles amis rencontrés et le sport dont nous abusions un peu.
Ce qui ne servait pas pour la suite, professionnelle, en position de quasi rond de cuir pendant 40 ans. Et oui, « il faut gagner sa vie » comme on dit : on a une famille qu’il faut nourrir, loger. On se surprend à avoir des pensées vers les hommes des cavernes qui n’auront jamais connu les horaires et les factures.
La retraite désirée devrait être le temps du repos, de la liberté de ne rien entreprendre. Mais tout ce qu’on avait remis en prévision de ce temps « libre » nous assaille maintenant. Et les docteurs qu’on avait largement ignorés se rappellent alors à notre souvenir, o combien !
Dit comme ça, ce morne parcours devrait nous faire verser dans la neurasthénie. Il y a heureusement une autre lecture. Le boulot d’abord, pas du tout courtelinesque, m’a fait fréquenter des entreprises étrangères qui me permettent aujourd’hui de bredouiller italien au Refuge Elisabetta ou d’étonner de notre voyage cycliste les 2 américains qui partageaient ma chambre à l’A.J. de New-York .
La famille surtout, même si je ne l’ai pas bien nourrie ou logée, m’a rempli d’intenses bonheurs. Mon épouse qui, selon la tradition, m’a choisi, avec les enfants qu’elle nous a donnés, ont multiplié les instants bénis. Cette vie « gagnée », à pied, en voiture, en bateau, à vélo, nous faisait passer de la rustique vie de camping au confort moelleux d’hôtels en divers continents. Ici ou là, les occasions de retrouvailles, dans la musique, l’humour, la dégustation comtoise ou non, gonflaient ainsi les joies partagées.
Mettre alors un point final à ces plutôt heureuses péripéties n’est pas révoltant. Surtout si ce n’est pas demain. Mais s’il vient me surprendre, on voit qu’au moins, il n’y aura pas une simple bouillie de mots dans le petit topo traditionnel au funerarium.
10:11 Publié dans santé | Lien permanent | Commentaires (1)