20/11/2019
Chère Léocadie -4-
Tu peux t’attendre à être un peu dérangée et à perdre la tranquillité de ta montagne. En effet la neige est tombée. Pas la petite poudreuse des semaines passées, mais une vraie grosse neige qui se croit en pleine saison. Et les citadins vont découvrir, comme chaque année, que la montagne existe et qu’elle peut même procurer du plaisir.
Le plaisir pour un moment sans doute avant que ne se profilent les jérémiades. Tu vas faire à nouveau connaissance avec le consommateur-type d’aujourd’hui. Entendre que la neige est mouillée, glacée, qu’elle n’est pas tombée suffisamment, que le soleil s’est caché. Ou l’autre variante : elle se met justement à tomber, là, en plein jour ! Et on n’est pas équipé pour cela.
Avec les vêtements justement, tu auras, veinarde, un vrai défilé de mode juste pour toi. Tu vas découvrir ce que sont des vêtements « flashy ». Ca veut dire qu’ils en jettent, mais qu’ils ne sont pas forcément adaptés aux circonstances. D’où la neige qui mouille !
Parmi les spécimens d’humanité dont tu auras la primeur, il y aura des attelages cocasses. Parce qu’il a vu à la télé des superbes chevauchées à chiens de traineaux, le citadin a extrait son Médor, en hibernation sur un coussin du salon, en espérant qu’il le tire sur les skis. Ou bien c’est lui qui titille les fesses de Médor qui renâcle à la tâche. Ou bien le chien, retrouvant son état de nature, galope à tout va, obligeant son maître à diverses figures imposées beaucoup moins élégantes que celles des patineuses sur glace.
On peut connaitre aussi un de ces jours bénis où une neige immaculée brille de tous ses feux sous un soleil éclatant. C’est là que le néo-montagnard photographe va te solliciter. En tout bien, tout honneur certes, mais comme un simple sujet pour animer son cadre. Faute d’ours ou de loup à proximité, tu seras pour lui la touche exotique idéale. Je ne t’en voudrai sûrement pas si tu réponds à cette proposition par une volée de noms d’oiseaux !
Je te vois venir avec ton œil aiguisé : j’ai bonne mine de me payer la tête des citadins amoureux de la montagne alors que je suis le 1er à grimper là-haut dès que la neige apparaît. J’accepte ton ironie et j’assume mes choix. Féru de montagne, je ne connais rien de plus exaltant que de glisser sur une belle neige, seul ou, mieux encore, avec les copains ! Sans vêtements flashy et avec les figures que je maîtrise !
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13/11/2019
"Le style est le vêtement de la pensée" (Sénèque)
Pour illustrer le thème de ce jour, je vais raconter une histoire de ma très lointaine scolarité. Nous avions en 1ère un prof de français-latin-grec. Il estimait que la traduction correcte d’une version ne méritait que 10/20. Les points au-dessus étaient octroyés en fonction de la qualité du rendu en français. Il expliquait ce goût pour le beau style en estimant que le fond est plus pertinent s’il est coulé dans une belle forme.
Comme une contre preuve, il est évident que le baragouin fait de franglais, de formules de texto est bon pour la bouillabaisse des réseaux sociaux et, bien sûr, réservé à ces initiés qui arrivent à le comprendre. Mais ce n’est pas tellement mieux de vouloir faire savant. Quand un ministre prétend que grâce au crowdfundig l’emploi va mieux, il n’est pas près de convaincre un gilet-jaune !
Le beau style n’est pas fait d’afféteries ou de fioritures plus ou moins brillantes. De simples mots choisis et mis dans une phrase que tout le monde comprend et retient sans peine. De la même façon qu’on a fixé irrévocablement Charles Martel en 732, on ne peut pas oublier non plus : « un soir, t’en souvient-il ? nous voguions en silence » de Lamartine ou mieux encore du père Hugo : « l’œil était dans la tombe et regardait Caïn ».
Une fois qu’on est clair Il n’est pas interdit de glisser, comme des aromates de la langue une paire de mots qui bousculent un peu la logique : ainsi le célèbre vers de Corneille : « cette obscure clarté qui tombe des étoiles ». Ou dans une récente interview, Finkelkraut réussit à faire d’un échec une assertion assumée quand il dit : « j’ai magistralement raté la rue d’Ulm ». Ces élégances, cette sorte de politesse de la langue, signent une véritable tenue.
Quand une personne, au jean déchiré et le haut à l’avenant, après une lettre criblée de fautes d’orthographe et de grammaire, au nom de « ils n’ont qu’à me prendre comme je suis » ne franchit pas le seuil de l’emploi, c’est sûrement rétrograde, mais je ne suis pas vraiment étonné.
Le vêtement contribue au style. Reprenons Sénèque : si le style peut habiller la pensée, cela signifie qu’il faut aussi qu’il y ait une pensée.
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06/11/2019
La télé rend fou ( titre du livre d'un ancien présentateur)
Les bobos décroissants toujours en avance dans le mieux-vivre l’ont fait : ils ne regardent plus la télé. Plus peuple que bourgeois, je continue d’ingurgiter la télé et son cortège de dommages collatéraux. Parmi lesquels des pubs sur n’importe quoi et à tous propos. Ils sont même assez vicieux pour insérer, comme un sandwich, aux heures où elle est censément interdite, une page d’un produit autour du reportage, sous l’égide duquel on a, paraît-il, le privilège de voir le dit-reportage.
La plus envahissante est celle qui s’adresse à un peuple qui est ou sera un peuple d’obèses : le régime minceur. Pour illustrer la démonstration, on a la photo d’avant d’un monstre bardé de graisses dégoulinantes et la photo d’après, où débarrassé de ses kilos, il pourrait prétendre au mannequinat. Comme, en toute modestie, je me vois assez conforme à la silhouette d’après, je décline, même si la 1ère semaine (où à mon avis on doit machouiller des feuilles de choux bouilles ou autres saloperies) est gratuite.
Depuis que mon assureur a levé le pied sur le sujet, c’est la télé qui me presse d’une « convention obsèques ». Avec un argumentaire nouveau. Il ne s’agit plus d’épargner à la peine des proches les soucis de l’enterrement mais de faire disparaître la peine et les soucis. Puisqu’on « s’occupe de tout », les proches n’ont même plus besoin de pleurer : cette incongruité du décès devient aussi banale que de changer le papier aux toilettes quand il n’y en a plus.
Là, c’est l’image de conclusion qui me hérisse : quand l’accorte hôtesse a versé les croquettes à Médor, elle éprouve le besoin de lui témoigner son affection par un baiser sur la bouche, enfin, sur la truffe. Notre voisine, assez ponctuellement chaque lundi, nous fait profiter des fruits de sa campagne. Que dirait-elle, et d’ailleurs aussi mon épouse, si à la place de notre merci conventionnel pour ses « croquettes », je lui claquais la bise sur la bouche ?
On est aussi très sollicités de participer à une croisière aux prix accessibles à tous. Pour preuve, quand le couple sélectionné pénètre dans sa cabine, il s’extasie : « c’est mieux que chez nous » ! Pas encore décroissant, comme je le rappelais plus haut, je ne peux quand même pas m’encanailler dans cette masse de 10 étages qui flotte au prix de milliers de tonnes de fuel et qui écrase les quais de Venise ou d’ailleurs.
Devrai-je continuer de me fourvoyer devant la télé qui me fait avaler aussi ces insanités de pub ? Dilemme sans réponse aujourd’hui. A moins que les développeurs-web, jamais à court d’idées, à l’instar des bloqueurs de pub des téléphones ou des ordis, ne créent une application pour les télés.
15:51 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (0)