02/12/2020
Il y a héros et héros
L’Argentine nous avait donné un pape. Voici qu’elle nous donne un Dieu. J’arrive, en me forçant un peu, à comprendre une admiration exceptionnelle pour un joueur à l’adresse et la « vista » incomparables, mais déifier Maradona me parait un peu fort. Auréolé en outre de toutes les dévotions déviantes des fidèles : prières à genoux, baiser des reliques.
Les images qui célébraient l’artiste se résumaient à la fameuse main qui marquait le but contre l’Angleterre. C’est donc un tricheur qu’on déifie, pour ne pas parler de liens avec la Camorra, que les napolitains préfèrent oublier au profit des seuls exploits sur le terrain. Faut-il que l’Argentine soit à ce point dépourvu de héros pour décréter, pour ce décès, 3 jours de deuil national ?
Un qui n’a pas connu les honneurs, que je vois néanmoins en héros, c’est mon ami Henri parti à ce moment-là. Numéro 5 sur 11 enfants, d’une famille de petits cultivateurs, il connait très vite la disette. Aussi, lorsqu’à 10 ans un oncle se propose de le prendre comme berger loin de chez lui, il lui faut accepter, même si l’ambiance à la ferme, ni l’éloignement ne le réjouissent.
Dans un tel contexte, ses parents et le curé ayant « combiné », ainsi qu’il le rappelle, son entrée au séminaire, il acceptera aussi. Du moins, dira-il aussi, passer d’une maitresse de 44 élèves de tous les niveaux à un enseignement classique de 6ème est le « Pérou » de l’éducation. Et le petit paysan découvre qu’ « il n’est pas si bête » !
Le grand séminaire qui suit, avec son cortège de restrictions diverses (le vélo est interdit !!), ne prépare guère des adultes, moins encore des prêtres adultes. Ce qui se chargera de ce travail, c’est l’Algérie qui vient ensuite. Henri arrive dans la zone des lourds combats et découvre à la fois l’inhumanité et la forte solidarité des appelés. Il en a besoin car il perd dans une embuscade 2 copains et pour lui quasi l’audition.
Le retour en tant que prêtre en paroisse procure quelques vicissitudes vécues avec sérénité. Mais un bon « job » à la Cathédrale de Saint-Claude. Il est à l’aise parmi ce peuple et ce monde d’ouvriers. Ce qui le fera réagir avec ses collègues lorsque la Mairie restreint l’entrée de la piscine aux algériens. La télé accourt interviewer ces « gauchistes, ce qui lui plait moyennement, et moins encore à son évêque. Autre passe d’armes avec ce drôle de patron : quand celui-ci vend le bâtiment où habite Henri sans l’en avertir !
C’est l’actualité qui a rassemblé ces 2 décès. Je ne précise pas lequel des 2 a toute ma sympathie. Pas seulement parce qu’Henri est un ami. Aussi parce que pour nous tous, ses copains, il a tracé un chemin quasi sans faute. Au- dessus des bassesses collectionnées, pleinement disponible aux autres, et pas seulement ses paroissiens. Par exemple, il se retrouve chauffeur de bus à Saint-Claude pour le ramassage scolaire quand il n’y en a plus. Il était fait du bois dont on fait ceux que j’appelais récemment les héros du quotidien !
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25/11/2020
Et si, demain, on parlait à notre intelligence ?
On s’est habitués à ce que tout individu, qui n’est pas rangé dans la catégorie des seniors, soit prolongé en permanence par un téléphone. De la même façon, on s’est fait à l’idée qu’il fallait circuler les yeux grands ouverts sur un trottoir au risque de se faire tamponner par un de ces zombies-smartphones. Dans mon dernier tour à vélo, j’ai constaté un nouveau « progrès » : des cyclistes préfèrent lire leur téléphone que leur chemin. Sans s’inquiéter davantage d’un éventuel tampon plus ou moins grave.
Et à quoi sont-ils connectés tous ces addicts ? A leur réseau social, l’autre pandémie. Notre société, individualisée à outrance n’a plus que ce liant. Il peut fédérer 300 inconscients pour aller faire la fête à Joinville. Qui fêtent ensemble leur déni d’un virus, de risques sanitaires, de protections nécessaires. Evidemment, ça mérite d’être fêté ce refus de la vie « normale », autrement dit des ploucs !
L’apogée du couple maudit réseau social-déni a son monument : Donald Trump. Il a réussi à gouverner, seul, le 1er pays du monde avec l’unique Twitter. Aujourd’hui, ado qui tape du pied en cours de récréation parce qu’il a perdu, il s’ingénie à finir de cabosser l’administration américaine. On peut se gausser : ses délires ont quand même trouvé 71 millions d’électeurs. Admirons la puissance, entre autres, du réseau social !
Qui vient de s’illustrer avec une création, « Hold-up ». J’avoue ne pas avoir consacré près de 3 heures à ce brulot, mais me fiant à des voix autorisées, j’entends une apologie du complot. Les puissants, avec un virus créé par l’Institut Pasteur, vont exterminer les autres. Les puissants font déjà suffisamment de bêtises sans qu’on leur en prête d’autres. Pour convaincre les foules, Carla bruni, Sophie Marceau adhèrent à cette thèse. L’excellence ( ?!) dans leur art ne leur décerne surement pas un brevet en virologie !
Devant cette pandémie débordante, on a imploré un vaccin. En voici plusieurs qui arrivent. La réponse des français intoxiqués aux réseaux sociaux : la moitié d’entre eux refusent le vaccin ! Il devait y avoir quelques « anti » dans les 16000 morts en moyenne dus à la grippe chaque hiver. Le réseau social, nouvelle voix de l’information, diffuse la stupidité. Et cela impose donc qu’on réagisse.
Il se pourrait par exemple que nos élites cessent, avec leurs mots et leurs sigles utilisés à l’E.N.A et à Sciences-po, de se hausser hors de portée des petites gens et donc leur témoignent un peu de respect. Pourquoi aussi la télévision publique, au lieu de courir après l’audience et les bons tarifs publicitaires, ne diffuserait pas des documents et des débats pour éclairer les citoyens ? Si on pense que le gros du mal est fait pour nos générations, il reste à oser pour les écoliers, dès la primaire, des enseignants qui leur apprennent la raison, la critique, et ainsi les initient à se faire leur propre opinion. Vastes programmes !
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11/11/2020
Mot à mot
Ce triste temps m’interdit de manipuler des haltères, j’ai donc tout loisir de manipuler des mots. Certes, mes écrits ne se haussent pas assez du col pour passer à la postérité, mais du moins ils savent conjuguer le participe passé et distinguer le futur « je ferai » du conditionnel « je ferais ». A l’âge où j’apprenais le français, dans le fameux paquet « lire, écrire, compter », on trouvait aussi l’orthographe.
Aujourd’hui, ce n’est plus une priorité. Il faut dire qu’on encaisse des invasions diverses. La plus encombrante est celle de l’Anglais. Certes, on a intégré le week-end, le flirt, qui font partie de la famille. Mais je continue de m’étonner qu’il faille dire « light » pour sans sucre et que ma bibliothèque, le temple de la lecture m’écrive : avec le coronavirus, on n’a pas pu installer le « DRIVE ». Sans doute, avant qu’on ne me propose d’obtenir un livre grâce au « click&connect ».
Dans ces conditions, pas étonnant qu’on crée dans les medias des drôles de néologismes. Depuis 2017, on bavasse à tout va sur le « macronisme ». Certes, Trump est « out », mais le « trumpisme » risque fort de lui succéder.
Une autre invasion, à priori bénéfique : l’informatique. Avec ses logiciels et ses services largement importés de Californie, elle ne mégotte pas non plus sur l’Anglais. Le plus irréductible des gaulois s’est laissé envahir de S.M.S. et de e-mails sans frémir. Et quand l’autorité lui impose une attestation, il est ravi de faire un scan, puis d’une pression sur le mot « print » d’obtenir son papier. Encore un peu, et il acceptera qu’on transfère ses « data » dans le « cloud » !
Des exercices mentaux bien utiles quand il faut aborder en bon vrai français le maquis des conjugaisons, avec maintenant un féminin qui s’y glisse davantage. On est habitués aux institutrices et aux agricultrices. On tique un peu sur les doctoresses ou les demanderesses. Mais il y a une solution simple, c’est le « e » du féminin. On a donc de très correctes docteures, professeures. Sauf que ce petit « e » sent un peu sa soumission au masculin. On trouve donc maintenant à côté des auteures des autrices. Heureusement, tant qu’Alice Coffin n’est pas à l’académie française, on n’est pas obligés de conjuguer des piétons et des conductrices pénalisé-e-s.
Il y a un domaine où on oublie toutes ces subtilités : le sport. Même si on ne s’appelle pas Claude ou Dominique, à vélo avec les copains, on se concentre ensemble sur ce qu’on est en train de faire, sans référence « genrée ». Quand le club me demande de faire un compte-rendu de la randonnée, je peux magnifier sans hésitation notre petit peuple de cyclistes.
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