19/07/2025
"Mieux vaut s'accomoder des choses que pleurer la lune" (A. David-Neel)
Pour les personnes âgées, il ne suffit pas de boire, de faire quelques pas (avec un chapeau), il leur est aussi conseillé de prendre les évènements de la vie avec un maximum d’optimisme. Devenu soucieux de ma santé que j’ai suffisamment escagassé dans le passé, j’ai mis sur la table mes soi-disant misères pour découvrir leurs grâces cachées.
On peut commencer par la vue. Mon épouse, au sortir d’une cataracte réparée, lui reprochait presque de lui montrer crûment ses rides. J’ai la chance de ne pas voir les siennes, ni les miennes. Et je trouve beaucoup d’à-propos à mon miroir de se limiter au strict nécessaire.
Quand j’ai la malchance de voir le visage de Trump au net, je lui vois un air buté en permanence, grognon en tous cas. Ma chance par contre, à la télé qu’il envahit trop souvent, je ne vois plus son visage bougon. Je repère seulement la casquette rouge dont il semble ne jamais pouvoir se séparer (pas d’infos provenant de Melania Trump)
Mon épouse encore. Réveillée à 3 heures du matin par des braillards doit se lever pour fermer la fenêtre. Délesté de mes aides auditives, je lui fais envie d’avoir dormi pendant ses défences comme un loir. Honnêtement, même équipé le jour, les aboiements de la canicula voisine me parviennent assourdis,
Certes, c’était il y a très longtemps. Ma bouche a sucé toutes les sortes de pipes possibles, même en écume ( ?!) Malgré un intérieur où tout n’est pas d’origine, j’ai toujours des sortes de hoquets répulsifs à mettre la langue sur ce faux vin qu’est le rosé. Surtout ma bouche ne se trompe pas à goûter religieusement un Savanien jurassien plutôt qu’un Pinot blanc de quelque part.
Avant même que mon nouveau statut de nonagénaire ne le souligne, j’ai pris de l’âge. D’ailleurs, nouveauté pour moi, depuis quelque temps, on m’offre une place assise dans le bus. Peu habitué au début, je tournais la tête derrière moi pour m’assurer qu’on s’adressait à moi. Maintenant j’ai bien compris et je ne boude pas ces offres d’autant qu’entre Eybens et le centre de Grenoble il y a une trotte que mes jambes trouvent beaucoup mieux à parcourir en position assise.
Force est de constater que les faiblesses affichées déclenchent chez nos proches des aides spontanées. Ainsi on vient de prévoir pour notre chambre un chantier inespéré : la pose d’un ventilateur au plafond. Sautant à pieds joints sur mon regret de ne pouvoir participer, ces chers aidants ont tout prévu, de l’achat à la pose.
Mon aidante de tous les jours a pour sa part suffisamment de quoi aider. En me laissant astucieusement quelques niches de boulot qui m’évitent un vrai statut de handicapé. Je suis devenu le roi du clafoutis et les goûteurs de passage constatent que je n’ai pas mélangé les proportions de sucre et de farine. Je me réjouis quand ils tendent leur assiette.
10:49 Publié dans santé | Lien permanent | Commentaires (0)
12/07/2025
Canicula
Non ! Malgré ma vue erratique je n’ai pas fait une faute de frappe. J’ai bien écrit canicula qui signifie en latin petite chienne. Et qui est à l’origine du mot canicule. En faisant cet emprunt les académiciens ne se sont pas foulés. Ce devait être un jour de chaleur intense. En effet la petite chienne est cet animal un peu stupide qui emmerde le monde en aboyant tout le temps mais il suffit de fermer les fenêtres pour la tolérer. Tant qu’à choisir chez les bêtes les sages auraient pu trouver un animal plus impressionnant. Mais puisque l’Académie l’a décrété, gardons ce mot de 4 syllabes et e final qui remplit les yeux.
Plein les oreilles aussi avec les médias qui nous l’ont tartinée à journée faite. Est-ce bien utile, quand on meurt de chaud, de savoir qu’on fait partie des 52 départements en vigilance orange, qui ne seront plus que 34 demain et à nouveau 52 après-demain. Il faut être un journaliste fatigué, où rêvant à sa prochaine promotion pour servir des infos pareilles.
En attendant on meurt quand même de chaud. Mon passé jurassien m’a vacciné contre le froid, mais contre la chaleur ? J’ai bien eu, il y a longtemps, un petit entrainement en Algérie. Déjà vêtu du treillis qui n’est pas en dentelle du Puy, harnaché de divers accessoires militaires, mais en plus, grâce à un commandant dans la lignée des auteurs de la ligne Maginot, survêtu d’une djellaba pour la couleur locale probablement. L’armée ne fournissait pas de thermomètres, mais je peux assurer que courir le djebel avec cet accoutrement donne chaud vraiment chaud.
Maintenant je n’ai plus l’âge où on nous envoyait faire le zozo dans ce pays. Pour le coup, les medias nous serinent largement leurs conseils. Avec une prédilection en direction des vieux. Sur l’échelle de Richter de la dangerosité calorique la personne âgée est sur le barreau du dessus. Il faut donc rappeler à ces cerveaux usés de la fatigue de l’âge qu’il faut boire, ne pas sortir, mettre un chapeau, bref, se claquemurer.
Caniculé autant qu’un jeune, je reprends mon chemin de personne âgée en bénéficiant de grands ponts entre 2 visites ou intervention médicale. Toujours épaulé par mon épouse. Pas pour me soutenir car depuis le temps je suis rodé à toute espèce de manipulation que peut entreprendre le corps médical sur le mien. C’est pour la barrière. A juste titre le médecin veut savoir qui on est, pourquoi on vient, comment on va payer. Tout ça sur une borne indiquant le bon bouton, dans quel sens mettre le document, que normalement on n’a qu’à lire. Et là, on aidante de toujours de m’aider à franchir cet obstacle.
Pardonnez-moi : la canicula d’à côté vient de reprendre son concert quotidien. Je dois fermer la fenêtre et du coup l’inspiration. Calamitas canicula !
14:39 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (2)
05/07/2025
Bon anniversaire
Et oui, ça y est : j’ai 90 ans. En me souhaitant mon anniversaire, j’ai fait une constatation : entre le type que j’étais la veille du cap fatal et le lendemain je n’ai perçu aucune différence palpable. C’est le compteur administratif qui me dit que je suis entré dans la très probable dernière et pas affreuse décade de ma vie.
Pas affreuse en effet puisque les diverses zones de mon cerveau minutieusement étudiées en 58 à la Sorbonne-science sont encore en état de marche. Juste pour l’alimentation de l’influx nerveux la centrale débite un courant d’une intensité très faible. C’est pour cela, par exemple, qu’en entament une démonstration, c’est pile le mot-clé qui a fichu le camp. Cela permet du moins à mes interlocuteurs de rester sur leur quant-à-soi.
Après le poste de pilotage, mon cœur, mes 208 os, bardés de tendons et de muscles et pour certains de résine arrivent au fameux « qui va piano, va grosso modo sano ». Foin des raids lointains où on s’essouffle, on transpire, on se tord les pieds. Mes jambes peuvent encore me porter jusqu’au village où la boulangère a installé 3 tables où on peut déguster son café avec un croissant. De quoi donner l’envie d’aller souvent acheter son pain.
Dans la plénitude de leurs capacités certains se sont vus indestructibles. J’ai fait partie de ces innocents. Mais au fur et à mesure que le compteur de l’âge monte, le compteur de l’énergie descend. Cahin-caha, je vais maintenant mon chemin. Je ne dirai pas que j’ai eu une belle vie ce qui serait prétentieux. Je dirai que j’ai eu une vie très pleine, de randonnées, de rencontres, d’expériences.
Je peux en remercier mes parents qui m’ont construit sans bugs majeurs. Aussi les très proches, et tous les proches qui m’ont accompagné sur le chemin caillouteux de la vie. Et tout particulièrement mon épouse avec qui nous le parcourons ensemble depuis tant d’années.
09:17 Publié dans santé | Lien permanent | Commentaires (1)


