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06/04/2024

Au clair de la lunette

D’ordinaire, quand les gens changent de lunettes, ce n’est pas un évènement à défrayer la chronique. Mais celles dont l’opticien de « Basse Vision » me vantait les résultats méritaient le déplacement. Que j’ai fait illico à son coup de fil.

Sur place, le maestro me présenta la merveille avec un brin de componction. Et m’expliqua que ces verres spéciaux taillés à Venise avaient la capacité de rassembler les rayons centripètes pour les recentrer vers l’objectif. Qu’en outre ils étaient teintés pour corriger la lumière. Je l’avais cru blanche pendant des décennies et elle est bleue et il faut la reblanchir.

En écoutant d’une oreille ce fatras technique, je piaffais de passer à l’essai On me mit enfin l’objet de toutes les attentes sur le nez. La merveille ne fut pas d’abord merveilleuse. Mais progressivement sur les divers supports présentés je reconnaissais du texte que je ne voyais pas la veille. Hourra! Je revoyais.

Qui peut lire peut écrire. Attendons-nous à ce que papy nous inonde de kilomètres de lignes dans son style habituel, parfois 17ième siècle, dixit Marc, souvent teintés d’humour anglais, dixit John qui lui, est de moins en moins anglai

Pour me faire redescendre de mon nuage, le maestro a dit 2 mots : travail et cerveau. Depuis toujours, pour moi, on ouvre les yeux et on voit. Bien sûr cela a à voir  avec le cerveau  qui fait son boulot discrètement en autonomie. Erreur ! On va ressortir l’antienne qu’on m’a servie pour les oreilles : il faut faire travailler votre cerveau. Le devoir n’est pas très lourd : 10 minutes de lecture le matin, autant le soir. Je ne risque pas la surchauffe

J’ai appris aussi l’existence  d’un personnage dont je ne savais rien, pas même l’orthographe : l’orthoptiste. Ma mère n’avait pas trop raté ma construction, mais elle aurait pu mal orienter mes yeux. On doit vérifier. Pauvre mère. Si on lui avait dit one chose comme ça !

Avec des oreilles retapées, des yeux améliorés et  un cerveau qui retravaille, je pourrais mer prendre pour un, vieux reconditionné, avec quelques pièces changées et fonctionnant   comme neuf.  Me surprenant à râler pour un gamin le nez dans son smartphone ou la petite angoisse quotidienne : « est-ce qu’on a du pain pour midi », je constate que je fais mon âge. Du moins pas plus pas encore.

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15:35 Publié dans santé | Lien permanent | Commentaires (1)

14/11/2023

Je ne me suis pas présenté au concours

Notre petit-fils se réjouissait du retour prochain de notre camping-car et élaborait pour nous des projets dans une nouvelle vie de vagabondage.  Ce statut de vieillesse-jeune qu’il nous prête est partagé par plusieurs membres de la famille. C’est vrai que ma constitution m’a permis quelques exercices souvent interdits aux gens de mon âge. D’où l’idée de croire qu’on s’adresse à un à peine vieux plutôt qu’à un vieillard cacochyme. Et ça me plaisait aussi. Illusion des uns et de l’autre.

Est-ce qu’on peut postuler au concours du plus bel Apollon sénior quand on n’a plus la capacité de conduire une voiture ou même un vélo, qu’on fait lire ses documents de banque, d’assurance par son épouse, qu’on lit seulement les images du blog de la voyageuse ? Et qu’on doit démêler dans l’agenda pour caser un nouveau R.V médical. Il y a de quoi déchanter pour le concours !

Pas d’affolement ! Je ne suis pas le laboureur de La Fontaine, « sentant sa fin prochaine » qui réunit ses enfants. D’abord, l’’un est en Algérie, l’autre entre Italie et Gr-ce. Surtout des reliquats de muscles me permettent de vaquer à quelques taches ménagères et d’assister mon épouse au super marché en déposant les achats dans le charriot puis sue le tapis à la caisse.

On le voit, le physique n’est pas en totale capilotade. C’est plutôt cette impression d’être dépassé par la vie d’aujourd’hui. Je suis un type qui peut remplir un chèque, écrire une lettre à la main et téléphoner avec un téléphone. Dans ce monde du tout-smartphone où on prend son billet de train, on paye ses achats et bientôt tout commerce sans monnaie avec cet engin, je suis décidemment du siècle dernier.

Et l’autre qui promet que chacun aura plus de pouvoir avec l’intelligence artificielle ! Je me réjouis déjà de mes balades en exosquelette. Avec une intelligence on ne peut plus naturelle je vais rameuter tous mes restes d’énergie, je vais me lancer dans un grand débarras d’objets glanés au fil des ans et égarés dans les greniers.  M’attaquer au tri du petit mètre cube de papiers divers accumulés pour que mes héritiers, avec leur téléphone à tout faire, ne soient pas trop décontenancés.

11:07 Publié dans santé | Lien permanent | Commentaires (3)

03/10/2023

Je ne mourrai pas idiot

Bonne nouvelle : je ne mourrai pas idiot, j’ai appris encore quelque chose. Quand mon ophtalmo m’a dit : « Vous ne serez jamais aveugle », il aurait du ajouter : au pire, vous serez malvoyant. Malvoyant, un terme enfoui au fond de mon cerveau qui ressortait tous les 4 ans comme une catégorie aux jeux paralympique

Pendant des semaines, il a pris toute sa place dans mon cerveau. Certes, confirmant le propos optimiste de mon ophtalmo, je voyais ce qui m’entourait, la rue, les arbres, les cailloux du chemin. Je voyais les personnes sur le canapé, mais leurs traits dans le flou.

Je faisais « ma » tarte, « mon »  clafoutis, mais en demandant à mon épouse de mesurer 120 grs de sucre et 80 grs de farine. J’épluchais les pommes pour une compote avec des tailles d » épluchures propres ç nourrir un bataillon. J’étais entré dans le statut de malvoyant.

Mon 1er deuil, vécu pas vraiment sereinement, c’était de ne plus lire, de ne plus avoir accès à l’ordinateur, malgré écran, clavier et lettres grossies à la limite du gigantisme. L’occasion toutefois d’une heureuse découverte :  le livre-audio, remisé par moi jusqu’alors au magasin des accessoires bizarres .

J’ai du laisser mon groupe-cyclo réaliser ses randonnées sans moi et ce n’était pas rien. Ne pouvant plus déchiffrer mon téléphone, ni ma montre, j’ai mué mon épouse en horloge parlante jour et surtout de nuit. J’étais handicapé malvoyant dépendant.

Le coeur du handicap, c’est la dépendance quand il ne l’a pas vu venir. J’avais la chance d’avoir près de moi une épouse attentionnée prête ç répondre, voire ç devancer mes manques. On ne peut alors manquer de s’interroger sur la misère du handicapé dont les appels ou les coups de sonnettes restent muets. A celui, seul, pour qui la visite des aidants est un bonheur et le retard une angoisse.

Je ne crois pas avoir jamais été méprisant à l’égard des handicapés, mais il est sûr que dorénavant, si je vois une canne blanche sur le trottoir je ne regarderai pas ailleurs. Nos gouvernements sont empêtrés depuis des lustres avec ce service national, volontaire ou obligatoire. J’aurais une suggestion pour ces jeunes gens : passer un certain temps dans nos hôpitaux chiches en personnel, dans un service de handicapés. Il est probable qu’ils en gardent des traces dans leur vie future.

 

  

15:58 Publié dans santé | Lien permanent | Commentaires (1)