12/08/2021
A mots découverts
Depuis que je sais lire, à quelques décennies d’ici, que j’ai compris qu’un mot signifiait une image précise, je suis amoureux des mots et je les pratique couramment. Pas très bien à l’oral. Je suis plutôt un taiseux. Vous savez ces gens qui laissent passer des quarts d’heures de conversation sans rien dire et, au thème qui les branche, les voici partis dans une logorrhée qu’on ne peut plus arrêter.
Je m’accoutume mieux avec l’écrit. Notre prof de français en 1ère, en mimant des répliques de l’Avare ou en en nous faisant jouer une scène de Racine, nous a révélé la richesse du beau langage. Une fréquentation qui laisse dans son sillage une trainée de mots relativement précieux : mon fils, dans une préface, va jusqu’à prétendre que ma langue s’inspire de « l’élégance racée des auteurs du grand siècle ». Avec des dommages collatéraux : ma chérie prétendait, elle, qu’on devait aborder mes lettres de fiancé muni d’un dictionnaire !
La richesse de certaines trouvailles, dans une autre tonalité, vaut parfois celle du 17ème siècle. Ainsi dans le jurassien moironnais les vaches gambadantes sont dites « à l’abade ». Dans ce village du Vercors, où j’ai un peu mes entrées, on a le surnom imaginatif. Le chef des pompiers n’est appelé que « pim-pom » et son comparse un peu grand s’affuble de l’éloquant « décamètre ». En matière de surnom, j’ai encore en mémoire le peu académique réservé au crâne lisse de notre adjudant à Toul : « bout de bite ».
Si je vous ai épargné le très dense dictionnaire franco-jurassien, je vous dois quelques perles extraites du dictionnaire cycliste. On n’a pas besoin d’en dire davantage de ce coureur qui a fini l’étape « en fumant la pipe ». Ca va vraiment plus vite quand « il fait chauffer le boyau » ou plus encore s’il « se met la selle dans le c.. ».
Je déguste, et pas spécialement la dernière, ces expressions gouleyantes telles une gorgée de bière ou une lampée de punch. Aussi je ne peux que déplorer le mésusage des mots. Quand, pendant une semaine, les radios et la télé nous en servent un salmigondis fumeux pour cet argentin, transfuge de Barcelone, angoissant ses fans pour une signature au P.S.G. encore douteuse. C’est gâcher la langue que dépenser des mots pour ce sujet futile. En tous cas, le parfait repoussoir propre à reprendre les phrases brillantes d’un dernier Julien Blanc-Gras.
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06/08/2021
Plaidoyer pro domo
Je vais revenir encore aujourd’hui sur le sujet des personnes âgées, à qui on fait des remarques pas toujours bienvenues. Je dois admettre, si ce n’est pas vraiment une préoccupation, que cela occupe quelques-unes de mes pensées.
Sans qu’on en soit vraiment à la guerre des générations, je remarque que nos anciens sont un peu traités par-dessous la jambe. Assez loin du respect aux vieux qu’on m’a inculqué dès l’enfance, les jeunes générations pensent que passés 60 ans, ils datent. Et ils leur font savoir. Pour le dire vite, les seniors ne savent rien de la vie d’aujourd’hui. Remballant leur expérience aux vieilles lunes, on leur suggère de se taire.
Le coronavirus a joué un mauvais tour aux anciens. A cause des priorités dont ils ont bénéficié pour la vaccination, les jeunes compensent en jetant aux orties tout l’attirail des personnes fragiles. Ils devraient entendre ce médecin d’un hôpital parisien déplorer d’avoir 35 « covid » d’une trentaine d’années en réanimation, et dont aucun n’est vacciné. Faute de penser aux autres, un égoisme bien pensé aurait du les pousser à se protéger eux-mêmes.
Ces sans-masques ont des cousins sans casque qui font des pitreries en scooter pour épater (qui ?). Que peuvent-ils penser de ces vieux, obéissants, disciplinés, qui mettent un casque même pour aller chercher le pain à 2 pas puisqu’ils sont à vélo.
Les vieux admettent leur retard sur toute l’électronique maintenant répandue partout. Et sont contents d’avoir des petits-enfants qui les dépannent. Ruminant leur faiblesse, ils ne peuvent pas s’empêcher, en voyant chacun, absent à tous, plongé dans son smartphone, de regretter les réunions en famille où tous, vieux ou jeune, participaient.
Cette sorte de plaidoyer pro-vieux dissimulerait-il une pointe d’amertume ? En tous cas, pas d’envie car les jeunes générations devront tâcher de juguler l’avancée du réchauffement climatique et vivre sous une économie plus solidaire espérée mais pas encore à nos portes.
Peu sollicités par les avancées techniques encore peu courantes ou hors de notre portée, nous n’avions rien à envier. Ravis de la simplicité de nos vacances à vélo et sacoches, en France ou en quelques incursions hors des frontières. Mais, avouons-le, sans casques. Voila au moins un progrès que le temps actuel nous aura apporté !
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30/07/2021
"Si j'aurais su, j'aurais pas venu"
J’étais sollicité cette semaine pour l’évaluation de mon opération de la hanche après 9 ans d’usage. Sans mentir, j’ai pu répondre que cette réparation tenait bien. A côté du satisfecit que cela supposait, c’était aussi l’occasion d’une réflexion sur ma chance de me trouver dans des mains expertes sur ce sujet.
Réflexion en forme de comparaison avec nos amis de la Marne. Durant les 20 ans de notre fréquentation, de goûters à la bonne franquette, de rencontres plus élaborées, ils ne boudaient pas les divers avantages que nous offre notre région. Mais le mal du pays les a pris de plus en plus jusqu’à provoquer le retour dans la Marne, encore auréolée de beaucoup d’attraits à leur départ.
Mais le champagne à portée de main, la collection de sœurs bienveillantes, les grands espaces de chasse ont relativement fondu avec le temps et les comparaisons avec ce qu’ils ont laissé ici ont grignoté les 1ères satisfactions. C’est Bernard, celui-là même qui m’a amené dans mon club de rando, avouant une promenade avec 1 mètre de dénivelée pour passer un pont. Les beaux-frères font des carnages de sangliers sans qu’il y participe. Surtout, à cause des soucis dus à l’âge, son épouse est désespérée de la faiblesse hospitalière locale, ce qui justifiait ma comparaison.
Je ne m’étendrai pas sur la valeur de l’hôpital de Grenoble qui a eu ma visite trop souvent, mais toujours efficacement. Ce que regrettent aussi nos amis, car on ne passe pas sa vie à l’hôpital, ce sont nos montagnes et leur offre multiple. En hiver, pour peu que les nuages veuillent bien se décomposer en neige, ce sont les longues foulées à ski. En été, si les nuages veulent bien tamiser le soleil et minorer la canicule, le vélo nous emmène en Chartreuse ou en Vercors. Et il reste plein de sentiers à explorer à pied.
Cette histoire nous rappelle que nous avons de la chance de vivre dans cette métropole. Dépourvus de rêves de transfert vers d’autres horizons, nous n’aurons pas la désillusion d’un mirage avorté. Si la vie nous oblige un jour à changer de logis, nous ferons tout pour rester ici, pour pouvoir contempler la 1ère neige sur Chamrousse et le coucher de soleil sur le Vercors.
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