27/07/2023
Servitude et grandeur de la piste cyclable
En empruntant encore ce demi-titre à A. de Vigny, je vais m’attirer des critiques d’oser mélanger la chose militaire, le champ de bataille avec cette bande de goudron qu’on appelle piste cyclable. Quoique… dans la vie sur la piste, on n’évite pas toujours les batailles même si le champ est étroit. Les propriétaires de chiens, dont certains savent lire, ignorent superbement les panneaux et trouvent sur les pistes le bel endroit sans voitures, où faire batifoler Médor.
Et il batifole Médor! Il traverse la piste juste à l’arrivée du vélo. Sans beaucoup de sens tactique, il essaie de s’en prendre à mes mollets, sans voir que c’est le bon endroit pour ramasser un vrai coup de semelle. Mais on m’a fait, la semaine passée, une figure complètement inédite. Soit 2 chiens et 2 laisses divergentes de chaque côté de la piste, un maître essayant sans succès d’attraper le collier d’un 3ème chien sans laisse celui-là, le tout sous un pont avec la voie rétrécie. Un bel exercice d’adresse pour le cycliste pris dans ce guet-apens imprévu.
Cet espace naturel requiert forcément l’injonction « fauchage raisonné ». Mais ils ont tellement raisonné qu’il n’y a pas eu de fauchage du tout. Résultat : des herbes bien denses jusqu’à hauteur d’homme. Du moins avant l’orage. Après elles sont couchées sur la piste la rendant invisible. Voilà le cycliste-explorateur obligé de se frayer un chemin à la machette. Sauf qu’il est peu fréquent qu’un cycliste emporte une machette dans sa sacoche. Donc, il explore à l’aveugle.
Caravansérail de toutes les servitudes, la piste est encombrée d’objets divers. Une bétonnière oubliée, le tas de sable épandu. Assez couramment, rejeté de la circulation ordinaire, le trebeu électrique communal s’épanouit sur la piste. Très sûr de son « moi, je travaille », il va son chemin assez primesautier. Puis se pose à un tournant, laissant au cycliste un passage étroit et obligé, où il rencontrera une plaque d’égout funeste à ses pneus, des éclats de verre d’une canette éclatée. Arrêté pour soutenir le collègue victime de cette embuscade, je découvre qu’il y a quand même des cyclistes, réconfortants dans leur nombre et leur diversité.
Au-delà des inévitables chiens vagabonds, on trouve des audacieuses poussettes d’enfants, de très téméraires personnes en fauteuil, des sacs poubelles qui n’ont pas trouvé (pas cherché ?) le réceptacle ad-hoc. J’ai même trouvé une fois une voiture brûlée. Vengeance de cyclistes furieux de cette intrusion sur leur territoire ? Pas plus que des machettes, les cyclistes n’emportent dans leurs sacoches de l’essence et des briquets.
Chaque incident à vélo me vaut le commentaire d’une témérité inappropriée (à mon âge ? à mon attention ? à mes muscles ?) Bravant les obstacles et les critiques, je continuerai de pratiquer les pistes cyclables en méditant cette maxime que n’aurait pas désavouée le poète-soldat de Vigny : « Le guerrier qui cultive son esprit fourbit ses armes ».
09:59 Publié dans Sport | Lien permanent | Commentaires (0)
02/06/2023
Servitude et grandeur de la bipédie
Si j’emprunte mon titre, partiellement, à celui d’Alfred de Vigny, c’est que tenir debout, dressé sur ses 2 jambes, résulte d’un long combat. Ce qu’illustre la fameuse frise où on voit un singe à 4 pattes se redresser peu à peu jusqu’à l’homme debout sur ses jambes, bipède. Une évolution qui a pris des millions d’années.
Je ne voudrais pas faire mon pédant, mais les paléontologues expliquent que l’homme a conquis sa démarche équilibrée, son buste droit, aux dépens des autres primates, (avec lesquels on partage pourtant à 98 pourcent une ADN semblable) grâce à l’allongement du fémur, l’inclinaison de la hanche. Cela, au prix du renforcement, paradoxal, des muscles fessiers. Ce qui fait dire à Buffon, au 18ième siècle : « L’Homme, c’est la fesse ».
Ce que Buffon ne pouvait pas prévoir, c’est que 100 ans plus tard, cet homme aux muscles et aux articulations adaptés à la bipédie, allait poser ledit fessier sur une selle, devenant alors un vélocipédiste. Perché plus haut, se déplaçant plus vite, un monde nouveau s’offrait à lui.
Je viens de le constater dans une randonnée interrompue par une triste nouvelle. Rouler à vélo fait défiler une palette de paysages, repérer la clairière herbeuse adaptée au pique-nique. Et à l’étape, échanger avec des personnes chères qui montrent qu’elles ont d’autres talents que le pédalage.
Bien que la selle du Baron Drais en bois ait fait place à une assise plus souple, ces bonheurs se paient d’un petit ennui. On retrouve Buffon qui avait raison : c’est la fesse qui trinque à vélo, même lorsqu’on se laisse aller à un doux pédalage. D’où la quête de confort supplémentaire.
Qu’on a pensé trouver avec le vélo électrique. Et depuis longtemps. Mon grand-père maternel, l’homme de Billey, partait à 81 ans sur un Solex, sous les yeux quelque peu effarés de son épouse. (C’est possible qu’il y ait une sorte de virus familial qui pousse les membres de la fratrie à faire le guignol, à 80 ans passés, sur 2 roues même électrifiées. Le pire : avec ou sans batterie, on garde la fesse dolente.
Ce qui peut nous consoler vient du sage Montaigne et m’offre une petite vengeance vis-à-vis des malins qui ont fait l’E.N.A. et appris, dès Sciences-Po, à ciseler des périphrases absconses : « Si haut que soit le trône, on n’est jamais assis que sur son cul » !
11:15 Publié dans Sport | Lien permanent | Commentaires (1)
31/03/2023
"As-tu vu la casquette du Père Bugeaud"
En empruntant mon titre à cette chanson de 1846, je ne ferai pas un hommage au maréchal Bugeaud. Même si c’est lui qui, ralliant les zouaves à sa casquette, les tira d’une mauvaise attaque. Ils en firent une chanson qui devint leur chant de gloire. C’est justement à la casquette que je veux m’intéresser, tant elle en dit de nous et de nos comportements.
Son côté « panache blanc » n’a pas enthousiasmé que les zouaves. Très vite, les militaires s’en sont emparés. On la trouve sur beaucoup d’armées des campagnes napoléoniennes. C’est tellement commode pour repérer les siens dans ces combats plus ou moins confus. C’est aussi bien plus commode sur la tête à la place d’un casque dont elle est une déclinaison confortable.
Les sportifs, souvent dans les pas des militaires, en ont rapidement fait le fanion de leurs équipes. Et ce qui était une protection des yeux des cyclistes et des golfeurs a séduit tous les sportifs jamais en retard de chauvinisme. Aux Etats-Unis, le sport national, le base-ball, a aussitôt coiffé les supporters des équipes dans une sorte de match-bis dans les tribunes.
Un enthousiasme qui a permis une folie « à l’américaine ». Pour le 50ième anniversaire du Super Ball, on a édité une casquette en cuir, badgée d’un pin’s en or 18 carats et qui est partie à 2500 dollars. Evidemment, Tapie qui s’y connaissait sur les à-côtés du jeu, en affublant Lemond et Hinault de casquettes « La vie claire », jouait un peu « petit bras ».
Les américains qui aiment afficher leurs convictions ont récupéré la casquette aussi en politique. Deux ans après l’échec de Trump, ses supporters continuent de porter haut et fort le couvre-chef vissé sur la tête de leur chef, en espérant, avec bruit, que cela permettra de le revoir dans 2 ans.
En France, où à l’exception de l’incontournable chapeau, la tenue de nos élites politiques n’est pas très différente de celle de leurs devanciers de la 3ième République, on imagine mal un Président, même « normal » se visser une casquette à ses armes sur le crâne. Par contre, les troupes syndicales, plus populaires, n’hésitent pas. On repère bien dans les cortèges les oranges de la CFDT et les rouges de la CGT.
Depuis que Rufin a bousculé les codes vestimentaires de l’Assemblée, je verrais d’un assez bon œil nos représentants se couvrir le chef de cet oriflamme. Dans les partis dont les membres hésitent, au moment de voter, entre le souci de la France et celui de leur future élection, la casquette distinctive permettrait de savoir qui en est et qui sont les « traitres ».
09:16 Publié dans Sport | Lien permanent | Commentaires (0)