28/06/2025
Un cadeau précieux
Il faut que je vous parle d’un évènement important survenu récemment. Ma très attentionnée épouse a mis à ma disposition une liseuse. Ne croyez pas (ne craignez pas) qu’il s’agisse d’une personne chargée, face à mes divers handicaps, de me faire la lecture. Plus prosaïquement il s’agit d’un de ces appareils modernes qui permet de lire, quand on a maitrisé le mode d’emploi, tous les livres possibles.
J’avais une certaine prévention, je dois l’avouer, vis-à-vis de ces engins qui nous engagent corps et biens dans l’engrenage de la modernité sans espoir de contrôle. Et puis j’aime bien les livres-papier qu’on peut sentir, écorner, sur-charger à loisir et qu’on peut choisir, nez au vent, sur les rayons d’une librairie ou d’une bibliothèque.
Je ne vais quand même pas bouder ce cadeau amoureusement choisi par ma chérie. Elle a senti que son espèce d’intello de mari privé de livres allait sombrer dans la mélancolie. S’étant déjà chargée de compléter ses faiblesses, ses courses, ses médecins, sa conduite, si elle devait y ajouter le soin d’une dépression, cela dépasserait les limites pourtant grandes de son accompagnement. D’où l’idée bienvenue de ce cadeau.
Bienvenu en tous cas pour moi. En effet, comme ces smartphones dont la fonction téléphone est la moins utilisée, la liseuse offre une quantité d’options que le présumé intello s’empresse d’inaugurer. Et là les experts habituels de l’octet fugace, qui ont déjà aménagé l’ordi et ses digressions, s’en donnent à cœur joie. Sans que j’y touche, mon gendre m’a mis sur l’appareil les 300 pages de « Jésus contre Jésus » de Mordillat et Prieur J’ai de quoi m’occuper !
Autre mérite de la merveille : elle me change de mon addiction à l’autre engin électronique qui me déverse chaque matin les dernières élucubrations du président américain. Il ressemble de plus en plus à la grosse brute bas de plafond des cours de récréation, ravi devant sa cour d’admirateurs imbéciles, d’avoir castagné un gamin. Avec la liseuse-prodige, garderai-je ma tablette ?
09:32 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
10/05/2025
En vers, en prose, mais en français
J’avais un préjugé favorable pour ce débat à la radio qui ne parlait ni de Trump ni du prochain pape. Et j’ai été comblé : il s’agissait des dictionnaires. Plus exactement, utilise-t-on encore les dictionnaires ?
Après une mise en bouche un peu obligée sur le Larousse ou le Robert et la défense vigoureuse d’une fan pour le Robert, on était dans le sujet. Par une escadrille de présumés fans de l’I.A. estimant l’usage du dictionnaire inutile puisque internet corrige les fautes. Rapidement contrés par la dame du Robert : « Quand « Office » souligne un mot, vous ajoutez un L, un N, au hasard et vous oubliez le mot » . « Si vous ne savez plus où est le H dans hibernation, vous prenez le dictionnaire, passez en revue les I, les H et vous écrivez hibernation dont vous n’oublierez plus l’orthographe ».
Le français est suffisamment compliqué, entendait-on, pour qu’on aille au plus facile, chez Google. Une langue pleine de mots et en plus il faut les conjuguer. L’anglais est tellement plus facile. Là, c’est moi qui réagis, pas si sûr. Il y a aussi plein de mots en anglais. Ils en ont même emprunté au français. Je me souviens de m’être procuré 2 tomes de « Gimmick » pour tout saisir de cette langue. Sinon comment disent les anglais pour « j’en ai plein le dos » ou « je me suis fait remonter les bretelles ».
On sait que l’autorité suprême du français est donnée par l’Académie. Je trouve remarquable que cette assemblée plutôt âgée ( Giscard l’a intégrée à 77 ans) accepte chaque année environ 200 mots nouveaux issus souvent de l’actualité parlée. Malgré sa voix zézayante le Président Giscard se faisait un devoir de pratiquer un français parfait, disons académique. Depuis, les Présidents préfèrent être énarque plutôt qu’académicien. S’il n’y avait que la langue qui en souffre…
Lors de nos longues fiançailles où sans téléphone nous écrivions beaucoup, ma dulcinée évoquait une langue de ma part assez précieuse, matinée XVIIème siècle selon un autre lecteur. C’est vrai qu’on peut entendre en langage moderne : « J’ai sacrément envie d’t’ baiser ». Certes cela va droit au but mais ces locuteurs ne savent pas ce qu’ils perdent. Une langue « qui mérite d’être goûtée » écrit un expert dans une jolie préface aux « Chroniques de ma fenêtre ».
On ne me fera pas changer pour être plus dans le coup. Quand un ancien vendeur de maisons fait campagne dans un langage populacier et, parvenu ainsi au sommet du pouvoir ose étaler publiquement sa jouissance de voir les puissants du monde obligés « de lui lécher le c… », décidément je suis plus à l’aise avec Boileau ou Fontenelle.
Mon copain Athanase (qui a consacré quelques années de sa retraite pour obtenir une maitrise de lettres modernes) ponctuait régulièrement nos réunions pas un petit poème en vers. Ce que peut un vieux grec donne envie au vieux gaulois de le concurrencer. Je ne suis pas sûr que les destinataires s’évanouissent d’émotion à la lecture de mes œuvres mais au moins l’exercice réveille mes neurones. Sans faiblesse, il faut parfois chercher un long temps pour une rime, …parfois avec un dictionnaire !
15:48 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1)