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14/11/2018

Des souvenirs pleins de sel

Depuis qu’Yvette, notre référente-cuisine, avait décrété que le sel de Guérande c’était divin sur le foie gras, nous en avions à la maison de ce sel. Prêt ce soir-là à rehausser le goût de très prosaiques patates. Mais pour constater justement que le niveau en était au plus bas.

Ces péripéties autour du fameux condiment avaient réveillé pour moi un souvenir très ancien de mes 8 ou 9 ans. Nous habitions pendant la guerre près de la gare et depuis qu’une balle de mitrailleuse s’était fichée dans une fenêtre, papa avait décidé d’abriter sa famille à la campagne chez ma grand-mère.

C’est là, chez ce couple de paysans que j’ai découvert  Guérande (sans le sel) dans une grosse reliure d’histoires détachées du journal chaque semaine. Celle qui m’intéressait, je me souviens encore du titre, s’appelait : « Derradji, fils du désert ». Par contre, j’ai oublié l’intrigue, sinon la perplexité de ce fils du désert, algérien je crois, devant les caprices des jeunes demoiselles échouées sur cette plage de  Guérande pour les vacances.

Réfugié pour cause de guerre, j’allais aussi à l’école de ce petit  village. J’ai découvert là, avant « être et avoir » les astuces d’un instituteur seul pour une douzaine d’enfants de différents niveaux. Découvert aussi dans cette pauvre école des livres culottés par l’usage et que chaque génération  refilait à la suivante.

Pour échapper à la morosité de ces vacances forcées, nous allions souvent à vélo, notre seul moyen de locomotion, chez une tante à quelques kilomètres. Fermière elle aussi, mais qui alignait sur un meuble appelé « cosy » quelques livres de jeunesse. Là, sourd aux « vaches, cochons, couvées », je m’enfouissais dans la lecture jusqu’à la fin de la visite. Sourd aussi d’ailleurs aux notes du « Marché persan » ou du « Beau Danube bleu » qu’égrenait ma cousine sur le piano.

Les souvenirs réveillés par le sel de Guérande sont encore très vifs. Je retrouve ce goût des livres, prémices  sans doute d’une envie de lire qui ne s’est pas démentie. Peut-être parce que les livres dans ces familles modestes représentaient quelque chose de précieux, un quasi luxe. D’où le respect que je leur dois encore.

11:30 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (0)

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