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13/11/2019

"Le style est le vêtement de la pensée" (Sénèque)

Pour illustrer le thème de ce jour, je vais raconter une histoire de ma très lointaine scolarité. Nous avions en 1ère un prof de français-latin-grec. Il estimait que la traduction correcte d’une version ne méritait que 10/20. Les points au-dessus étaient octroyés en fonction de la qualité du rendu en français. Il expliquait ce goût pour le beau style en estimant que le fond est plus pertinent s’il est coulé dans une belle forme.

Comme une contre preuve, il est évident que le baragouin fait de franglais, de formules de texto est bon pour la bouillabaisse des réseaux sociaux et, bien sûr, réservé à ces initiés qui arrivent à le comprendre. Mais ce n’est pas tellement  mieux de vouloir faire savant. Quand un ministre prétend que grâce au crowdfundig l’emploi va mieux, il n’est pas près de convaincre un gilet-jaune !

Le beau style n’est pas fait d’afféteries ou de fioritures plus ou moins brillantes. De simples mots choisis et mis  dans une phrase que tout le monde comprend et retient sans peine. De la même façon qu’on a fixé irrévocablement Charles Martel en 732, on ne peut pas oublier non plus : « un soir, t’en souvient-il ? nous voguions en silence » de Lamartine ou mieux encore du père Hugo : « l’œil était dans la tombe et regardait Caïn ».

Une fois qu’on est clair Il n’est pas interdit de glisser, comme des aromates de la langue  une paire de  mots qui bousculent un peu la logique : ainsi le célèbre vers de Corneille : « cette obscure clarté qui tombe des étoiles ». Ou dans une récente interview, Finkelkraut réussit à faire d’un échec une assertion assumée quand il dit : « j’ai magistralement raté la rue d’Ulm ». Ces élégances, cette  sorte de politesse de la langue, signent une véritable tenue.

Quand une personne, au jean déchiré et le haut à l’avenant, après une lettre criblée de fautes d’orthographe et de grammaire, au nom de «  ils n’ont qu’à  me prendre comme je suis » ne franchit pas le seuil de l’emploi, c’est sûrement rétrograde, mais je ne suis pas vraiment étonné.

Le vêtement contribue au style. Reprenons Sénèque : si le style peut habiller la pensée, cela signifie qu’il faut aussi qu’il y ait une pensée.

10:51 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (1)