06/02/2020
Des gimmicks subtils pour rester dans l'entre-soi
On vient de nous rappeler que l’écart entre les élites et la masse des gens ordinaires ne cesse de s’accroitre. Malgré quelques touchettes dont ont pu se targuer les gouvernements cela stagne. Des élites qui ne défendent pas leur position seulement derrière des murs et des grilles à digicode mais beaucoup plus subtilement. Car quand on a atteint les sommets on cherche à y rester et à repousser les éventuels assaillants.
Leur défense passe par toute une gamme de comportements particuliers dont un usage spécifique du vocabulaire. Ainsi un discours de candidat est toujours rempli de paradigmes. Sûr que si vous réussissez à placer l’éthopée dans une phrase, vous n’êtes pas du vulgaire popu. Ils vont probablement espacer l’usage de la procrastination devenue terriblement courante.
Etaler la palette des dernières lectures n’est pas mal non plus pour distinguer le haut du panier de ceux du fond. Avouer avoir lu Musso ou Lévy, comme tout le monde serait du dernier vulgaire. En revanche, assumer à contre-courant qu’il y a chez Matzneff des superbes trouvailles de style garantit de se faire remarquer. Le top en la matière, ce sont les étrangers et bien sûr en version originale. Malheureusement, la prétention s’avère difficile quand on invite à s’extasier sur un inconnu norvégien ou nigérian.
Pas non plus, « chez ces gens-là », de réveillon aux huitres et foie gras, ni la trop classique bûche. Mais on aura trouvé chez un chef, pas encore étoilé, dont l’adresse se refile entre amis, de divines barquettes de topinambours saupoudrées de lamelles d’écorces de raifort fermier. Dans la gamme rustique et originale, on ne fait pas mieux !
Au moment où n’importe quel plouc s’est régalé aux Marquises ou sur une plage de Thailande, quand on appartient à l’élite, on se doit de trouver une villégiature non fréquentée, dans un pays inconnu. Et d’avoir le sourire discret de la trouvaille inédite lorsque l’interlocuteur demande : « C’est où cet endroit » ?
Avec cette obsession de vouloir demeurer dans l’élite, on comprend mieux maintenant les désormais célèbres gilets jaunes, la révolte de ceux que Hollande aurait traité de « sans dents ». Ceux du haut ont voulu les calmer avec ce qu’ils pratiquent le mieux : les sous. Mais eux les ont boudé, leur rancœur n’était pas à acheter.
10:48 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (1)